Je suis assez d'accord avec toi. MAIS : je ne suis pas d'accord quand tu parles d'opportunisme. Cette tribune a été publiée APRES un déluge d'autres tribunes lynchant le dérapage de sarko, et ces tribunes se mettaient la part de l'inné sous les aisselles. Ce gars a le mérite de dire qu'il y a bien deux parts, et son exemple de la culpabilisation des parents d'autistes par les bien-pensants du déterminisme a le mérite d'être posé. Pour ma part, j'ai commencé par être outré par la sortie incroyable de ce taré (sarko, j'entends), avant d'être assez interloqué par la faiblesse des argumentaires. Dans le même ordre d'idée, je condamne les atrocités de la GM2, mais je suis abasourdi par le traitement qui en est fait, quand le refus d'analyser est érigé en vertu propre au devoir de mémoire. Je m'éloigne. Donc, compte tenu de ma propre réaction, j'ai apprécié de lire cette mise en perspective. Quant à savoir si la question méritait une toute autre forme de pédagogie, je rappelle encore qu'il s'agit d'une réaction à un flot d'autres réactions. Qui s'inscrit donc dans le même contexte : l'établissement par des scientifiques aux opinions divergentes de bases de réflexion, dans le feu d'une polémique. Il ne s'agit donc pas à proprement parler de faire de la pédagogie, mais de fourbir un cadre scientifique de réflexion. Et il faut relire un peu les réactions des premiers avant d'accuser ce gars de s'être vendu à sarkozy en laissant sa rigueur au vestiaire.
Et je n'ai pas eu le sentiment, à lire cet article, que lui, contrairement à toi, plaçait la part de l'inné au-dessus de celle de l'acquis. Plutôt qu'il déplorait qu'on soit tombé dans un extrême consistant à sous-évaluer la part de l'inné (ce qui est assez différent : dire qu'on pense que le pen est sous-évalué ne revient pas à dire qu'on pense qu'il est majoritaire - c'était un exemple "for dummies"
). Et j'ai tendance à être assez d'accord : il est finalement beaucoup plus facile de voir un déterminisme social qu'un déterminisme génétique, parce que le second semble beaucoup plus injuste, et que si on a fini par accepter l'idée que la société avait parfois du mal à s'occuper de ses éléments, on veut à toute force que la nature soit juste. Il se trouve que ça n'est pas du tout ma vision de l'humanité, mais c'est celle qui domine. Je me félicite donc de lire un article qui enfonce un coin là-dedans. Je ne lis nulle part qu'il veuille expliquer les comportements humains par la biologie. Je lis qu'il considère que la biologie, et la génétique en particulier, participent d'un faisceau d'éléments susceptibles de guérir des pathologies physiques et comportementales, et qu'à ce titre il est extrêmement malvenu de les brocarder a priori, au nom d'une pudibonderie morale déplacée (son opposition entre ceux qui l'ouvrent et ceux qui ont le nez dans ces pathologies me paraît, encore une fois, salutaire), alors que le véritable enjeu est la guérison des malades, au profit de ceux-ci et de la société. Je lis aussi que trouver dans l'entretien de sarkozy des traces d'eugénisme relève du fantasme. Et là encore, je suis d'accord. Ce mec-là m'inquiète, je n'ai pas besoin de charger la barque pour cela. Et j'espère garder le sens de la mesure le plus longtemps possible.
Je n'ai pas posté ce message pour lancer un débat pour ou contre ce qu'a dit sarko. J'estime d'ailleurs que RIEN DE SOLIDE, dans cet article que je viens de relire, puisse permettre de penser que ce gars votera sarkozy. Leurs perspectives ne sont pas les mêmes. Sarko évoquait le cas des délinquants sexuels multirécidivistes, en considèrant que les mesures actuelles ne sont pas assez efficaces parce qu'elles se concentrent trop sur l'accompagnement psychologique là où il estime que la génétique a une part importante. Et en filigrane il y a l'idée de la castration chimique, qui est typiquement une réponse de droite à un problème de société : on ne reconstruit pas, on purifie. En ce sens, sa position me heurte, violemment même, mais comme le dit machin elle a le mérite d'amener un problème social majeur dans le débat. Dans des conditions exécrables il est vrai, mais de toute façon cette campagne est lamentable. Et il n'y a pas là d'eugénisme. Ou alors, il faut considérer les défenseurs du droit à l'avortement comme des eugénistes, puisqu'ils s'arrogent le droit de ne conserver que les embryons conçus dans un cadre familial, par exemple, favorable. Calmons-nous. Ce que fait machin, c'est tout autre chose : c'est de rappeler que le fait de plus ou moins fermer les yeux sur la part de l'inné n'est pas fondé scientifiquement, mais que cela relève plutôt d'un postulat moral qui ne part pas de la réalité des malades, de ceux qui les entourent et de la société. J'ai d'ailleurs l'impression que quand tu dis que tu
préfères le déterminisme social et culturel, tu glisses dans le voeu pieux moral. Or je me méfie comme de la peste des architectures rationnelles savantes, extrêmement bien huilées, reposant tout à la base sur un postulat dont on espère à toute force qu'il soit vrai, pour que la vie soit la moins laide possible.
Cet article n'oppose donc pas les deux parts, de l'inné et de l'acquis. Il les réunit dans un faisceau de causalités des pathologies humaines. Et il s'élève contre la tentation de ne pas voir le monde dans sa vraie rudesse, au profit d'une autre rudesse paradoxalement moins inquiétante. L'objet de cet article est présent dès le titre : attention aux procès en diabolisation, privilégions les faits aux intentions. J'ai trouvé ça important. Enfin, j'ai retrouvé dans les réactions outrées de certains les traits caractéristiques du misérabilisme de gauche. Comme si le "c'est la faute à la nature" (ou plus inacceptable encore, "c'est la faute au hasard") était une insulte à la science et à la raison, voire aux malheureux pervers, alors que le "c'est la faute à la société" pas du tout. Vous vous rappelez le sketch des Monty Python ? On marchait sur la tête.
Et si je dis qu'il n'y a pas deux parts de l'action humaine, mais trois, en comptant la volonté, et qu'elles ne sont pas égales, mais que la volonté compte bien plus que les deux autres, je serai catalogué à droite ?